Dépenses de protection sociale : chiffres 2021 et « early estimates » 2022

Le 'Système Européen de Statistiques intégrées de Protection Sociale' (SESPROS)[1] est un cadre commun développé par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) et les États membres de l’Union européenne à la fin des années 1970. Ce cadre est une réponse à la nécessité d’un instrument spécifique pour cartographier les dépenses et les revenus liés à la protection sociale dans les États membres. En effet, la sécurité sociale et la protection sociale sont organisées de manière différente dans les différents pays de l’Union. La méthodologie SESPROS est donc basée sur un système de normes, de définitions, de classifications et de règles comptables communes. Cette approche permet une comparaison entre les systèmes de protection sociale des différents pays de l’Union européenne.

Tous les États membres doivent compiler ces statistiques.[2] En Belgique, c’est le SPF Sécurité sociale qui assume cette tâche et fournit les données à Eurostat. Récemment, les chiffres pour 2021 ont été ajoutés à la rubrique « Chiffres de la protection sociale ». Les données internationales peuvent être consultées auprès d’Eurostat.

En outre, Eurostat a récemment publié les « early estimates » (ou estimations précoces) pour 2022. Celles-ci sont fournies sur une base volontaire par les États membres, dont la Belgique. Ces « early estimates » sont des estimations provisoires, qui ne portent que sur un ensemble limité d’indicateurs clés. Bien qu’elles ne couvrent pas l’ensemble du système central de SESPROS, ces premières estimations présentent l’avantage d'être disponibles une année plus tôt que les données régulières. Elles offrent ainsi rapidement une indication de l’évolution globale des dépenses de la protection sociale. C’est pourquoi nous les intégrons dans l’analyse lorsque cela est possible et pertinent.

L’année 2021 est intéressante en raison des mesures prises pour faire face aux conséquences sociales de la pandémie de COVID-19. Dans une édition précédente de « Focus sur les chiffres », nous avons déjà observé l’impact de la pandémie sur les dépenses et les recettes de la protection sociale en 2020. Les nouveaux chiffres nous permettent de suivre l’évolution ultérieure de cet impact et de la comparer avec la première année de la pandémie. Dans cette édition, nous présentons d’abord la situation en Belgique. Ensuite, nous situons brièvement les dépenses de notre pays dans le contexte européen.

Dépenses de protection sociale en Belgique

En 2021, les dépenses totales de protection sociale en Belgique s’élevaient à environ 152,4 milliards d’euros. Cela ressort également du graphique 1. En comparaison avec 2020, où les dépenses totales étaient de 150,5 milliards d’euros, cela représente une augmentation de 1,3%. Nous constatons que les dépenses à prix courants continuent d’augmenter, mais que l’augmentation ralentit. En 2020, il y avait en effet une augmentation de 9,6% en raison des différentes mesures prises pour protéger la population contre les conséquences de la crise de la COVID-19. L’augmentation en 2021 semble indiquer que la trajectoire de développement des dépenses de protection sociale rejoint davantage celle des années précédant la pandémie (avec une augmentation annuelle comprise entre 1 et 4%), bien que plusieurs mesures temporaires liées à la COVID-19 soient toujours en vigueur en 2021.

Le graphique 1 présente également la ventilation des dépenses de protection sociale par type. Il est clair que les prestations sociales représentaient la majeure partie des dépenses en 2021 (à savoir 95,3%). Le reste concerne les dépenses de fonctionnement et autres dépenses. Les proportions entre les différents types de dépenses restent à peu près constantes au fil des années.

Enfin, ce graphique montre également le chiffre provisoire pour les dépenses en 2022, mais uniquement pour les prestations sociales. Les « early estimates » ne portent en effet que sur les prestations sociales, excluant les dépenses de fonctionnement et autres dépenses. Ces données indiquent une augmentation continue de ces prestations. Contrairement à l’augmentation modérée de 2021, on observe en 2022 une augmentation plus marquée. Avec une croissance de 6,3%, il s'agit de la deuxième augmentation la plus importante des 10 dernières années.[3] Cela est très probablement lié à l’inflation élevée en 2022 et au système d’indexation automatique des prestations sociales.

Nous pouvons également exprimer les dépenses totales de protection sociale en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Cela est illustré dans le graphique 2. Les dépenses de protection sociale représentaient 30,3% du PIB en 2021, contre 32,7% en 2020. L’augmentation à prix courants en 2021, telle que présentée dans le graphique 1, se révèle donc être une diminution en termes relatifs. Cela s'explique par le fait qu’en 2020, le PIB a fortement diminué en raison de la pandémie de COVID-19, tandis que les dépenses de protection sociale ont fortement augmenté en raison des différentes mesures prises (à la fois pour lutter contre la crise sanitaire et pour soutenir le revenu pendant la crise). En 2021, l’activité économique a fortement repris d’une part, et les dépenses sociales ont augmenté moins fortement qu’en 2020 d'autre part, faisant en sorte que la trajectoire des dépenses de protection sociale s’aligne à nouveau, proportionnellement, sur celle des années précédant la pandémie.

Une observation similaire peut être faite pour 2022, sur la base de la « early estimate » présentée dans le graphique 2. Bien que, comme indiqué précédemment, les early estimates ne portent que sur les prestations sociales, on constate que le pourcentage de 27,9% en 2022 est plus proche de celui de 2019 (27,3%) que des pourcentages de 2020 et 2021 (respectivement 31,3% et 28,9% du PIB). Il faut probablement en chercher la raison dans la ‘disparition’ de la COVID-19 et des mesures connexes. On peut donc supposer que la COVID-19 a provoqué un choc ponctuel plutôt qu'un changement structurel du niveau des dépenses.

En plus d'une répartition par type, les dépenses peuvent également être ventilées par fonction. Le graphique 3 montre l'évolution de la part des différentes fonctions, représentée dans le total des prestations sociales[4] pour la période de 2019 à 2022.

Bien que les effets de la pandémie de COVID-19 se fassent encore sentir en 2021, on observe une influence partiellement différente sur la part des différentes fonctions par rapport à 2020. En 2021, on constate un pourcentage clairement plus élevé pour la fonction « maladie ». L’explication réside probablement dans le rattrapage des soins différés combiné à une charge de soins élevée persistante liée aux résurgences du coronavirus. En parallèle, on observe une baisse du pourcentage pour la fonction « chômage », bien que ce pourcentage soit toujours plus élevé qu’en 2019. Cette explication s’inscrit dans la continuité des mesures gouvernementales prises pendant la pandémie, à savoir la prolongation du droit passerelle assoupli pour les indépendants et le chômage temporaire pour les travailleurs. Ces dernières mesures étaient particulièrement importantes pendant les périodes de confinement, mais étant donné que la société et l’économie ont recommencé à fonctionner de manière plus normale en 2021, ces mesures ont été moins mobilisées.

Malgré la crise, la majeure partie des dépenses en 2021 va toujours à la fonction « vieillesse », expliquée par les effets continus du vieillissement de la population, suivie des dépenses pour la fonction « maladie ». L’évolution des années précédentes, et spécifiquement la situation pour l’année de la première vague de la pandémie en 2020, a été largement discutée dans une édition précédente de « Focus sur les chiffres ».

Les « early estimates » publiées par Eurostat nous donnent une indication de l'évolution attendue en 2022. Il semble que ces chiffres suivront fortement les tendances jusqu'en 2019. En d'autres termes, il semble que l’on retourne à une période comparable aux évolutions d’avant la COVID-19.

Recettes de protection sociale en Belgique

SESPROS fournit également une estimation des recettes de protection sociale. En 2021, le total de ces recettes s’élevait à 157,8 milliards d'euros, soit 31,4% du PIB. En termes de pourcentage, il s'agit d’une baisse par rapport à 2020 (34,0% du PIB). En termes absolus, les recettes ont pourtant augmenté, mais en raison de la croissance importante du PIB en 2021 par rapport à 2020, il se produit ce qu’on appelle un « effet dénominateur ».

Les recettes de protection sociale peuvent à leur tour être décomposées par type. Cela est illustré dans le graphique 4. En 2021, les contributions publiques représentent la majeure partie des revenus de protection sociale, avec un pourcentage de 43,7%. Les cotisations des employeurs constituent également une partie importante des revenus, avec 35,8%. La part des cotisations sociales à charge des personnes protégées et des autres recettes est plus faible, avec respectivement 18,5% et 2,0%.

Lorsque nous comparons les pourcentages pour 2021 avec les années précédentes, nous constatons qu’il y a une légère baisse des contributions publiques et une légère augmentation des cotisations sociales à charge des employeurs. Cependant, les contributions publiques restent plus importantes qu’avant la période de la COVID-19. En effet, les mesures liées à la COVID-19 ont été entièrement financées et compensées par des dépenses publiques. Compte tenu du maintien de certaines mesures en 2021 et des nouvelles mesures financées par le gouvernement en 2021, telles que les campagnes de vaccination, il n’est pas surprenant que la part du financement public reste au-dessus de la moyenne de la période d’avant la COVID-19. De plus, les mesures liées à la réduction des cotisations (sur le travail) et le « tax shift » dans les régimes de sécurité sociale continuent d’avoir leur effet.

C’est désormais la troisième année consécutive que les contributions publiques se situent à un niveau plus élevé que les cotisations des employeurs. Cependant, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions : nous devrons attendre les données pour les années supplémentaires. Étant donné que les « early estimates » se concentrent uniquement sur les dépenses, nous ne pouvons rien dire pour le moment sur l’évolution des recettes en 2022.

Dépenses de protection sociale dans une perspective internationale

Nous pouvons également examiner les dépenses de protection sociale dans une perspective internationale, car tous les États membres de l’Union européenne doivent fournir des données sur leurs systèmes de protection sociale selon les définitions de SESPROS à Eurostat[5]. Nous nous concentrons sur les dépenses pour les prestations sociales, car elles représentent la plus grande part des dépenses de protection sociale et les « early estimates » pour 2022 ne concernent que cela[6]. Le graphique 5 illustre cela pour la Belgique, nos principaux voisins et la moyenne des 27 États membres de l’UE, exprimé en pourcentage du PIB.

Alors qu’en 2020, tous les pays ont connu une évolution similaire à la hausse des dépenses pour les prestations sociales en pourcentage du PIB, en 2021, nous constatons une évolution similaire à la baisse dans tous les pays. Bien que les dépenses pour les prestations sociales en termes de PIB aient diminué, elles restent néanmoins à un niveau plus élevé qu’en 2019, avant la COVID-19. Cela est probablement dû à l'impact sur les dépenses des mesures COVID-19 qui existent également à l'étranger et qui subsistent en 2021. En termes nominaux, il y a toujours une augmentation des dépenses. La croissance plus importante du PIB, due à une reprise de l’économie en 2021 par rapport aux dépenses pour les prestations sociales, explique la baisse des dépenses en termes relatifs, comme c’est également le cas dans notre pays.

Bien que les dépenses en pourcentage du PIB aient également diminué en 2021 pour nos pays voisins, cette baisse a été plus marquée pour la Belgique. Pour 2022, les « early estimates » suggèrent que cette tendance se poursuivra dans tous ces pays, tandis que la diminution en Belgique pourrait être légèrement atténuée. Il est possible que l’indexation plus rapide des allocations joue un rôle dans ce contexte.[7]

Comme les années précédentes, les dépenses en Belgique sont légèrement supérieures à la moyenne de l’UE, mais inférieures à celles de la France et de l’Allemagne. Les « early estimates » pour les Pays-Bas n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction.

En plus de cet article, le SPF Sécurité sociale publie chaque année une brochure d’information plus détaillée sur les données SESPROS. Cette brochure propose des analyses détaillées ainsi qu’une comparaison approfondie avec les autres États membres de l’UE. La dernière version de cette brochure est basée sur les chiffres de 2020 (pour la Belgique) et 2019 (pour la comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne). Vous pouvez la trouver dans notre rubrique « Publications statistiques ». Une nouvelle version, basée sur les chiffres de 2021, est actuellement en préparation.

 

[1] En anglais également connu sous le nom de ‘European System of integrated Social PROtection Statistics’ ou ESSPROS.

[2] Le texte légal s’y rapportant peut être consulté ici .

[3] Entre 2019 et 2020, nous constations une croissance de 10,1%.

[4] À l’exclusion donc des dépenses de fonctionnement et des autres dépenses (voir aussi le graphique 1 pour l’importance des prestations sociales dans l’ensemble des dépenses totales de la protection sociale).

[5] Tous les États membres de l’Union européenne sont tenus de compiler les statistiques SESPROS et de les fournir à Eurostat. Cependant, les « early estimates » sont fournies sur base volontaire. Tous les états membres ne les fournissent pas.

[6] Voir graphique 1.

[7] La Belgique a connu 5 dépassements de l'indice pivot en 2022.