Dépenses de protection sociale en 2022 et 2023 : un retour au niveau pré-covid ou une nouvelle augmentation ?

Le 'Système Européen de Statistiques intégrées de Protection Sociale' (SESPROS)[1] est un cadre commun développé par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) et les États membres de l’Union européenne à la fin des années 1970. Ce cadre est une réponse à la nécessité de disposer d’un instrument spécifique pour cartographier les dépenses et les revenus liés à la protection sociale dans les États membres. En effet, la sécurité sociale et la protection sociale sont organisées de manière différente dans les différents pays de l’Union. La méthodologie SESPROS est donc basée sur un système de normes, de définitions, de classifications et de règles comptables communes. Cette approche permet une comparaison entre les systèmes de protection sociale des différents pays de l’Union européenne.

Tous les États membres ont l’obligation de compiler ces statistiques[2]. En Belgique, c’est le SPF Sécurité sociale qui assume cette tâche et fournit les données à Eurostat. Récemment, les chiffres pour 2022 ont été ajoutés à la rubrique « Chiffres de la protection sociale ». Les données internationales peuvent être consultées auprès d’Eurostat.

En outre, Eurostat a récemment publié les « early estimates » (ou estimations précoces) pour 2023. Celles-ci sont fournies sur une base volontaire par certains États membres, dont la Belgique. Ces « early estimates » sont des estimations provisoires, qui ne portent que sur un ensemble limité d’indicateurs clés. Bien qu’elles ne couvrent que les prestations reprises dans le système central de SESPROS, ces premières estimations présentent l’avantage d'être disponibles une année plus tôt que les données régulières. Elles offrent ainsi rapidement une indication de l’évolution globale des dépenses de prestations sociales. C’est pourquoi nous les intégrons dans l’analyse lorsque cela est possible et pertinent.

Dans cette édition du « Focus sur les chiffres », nous décrivons tout d’abord la situation en Belgique où nous analysons les dépenses de protection sociale et examinons également les recettes. Nous situons ensuite les dépenses de protection sociale dans le contexte européen, en comparant la Belgique à ses pays limitrophes[3]. Les chiffres montrent qu’en 2022, les dépenses se rapprochent du niveau et tendances pré-covid. Toutefois, si nous incluons également les estimations précoces pour 2023 dans notre analyse, nous constatons une nette augmentation par rapport à 2019. Ces estimations précoces indiquent que l’augmentation (estimée) en Belgique en 2023 est plus importante que celles des autres pays analysés dans cette édition. S’agissant d’estimations provisoires au niveau global pour 2023, ces résultats doivent être interprétés avec prudence.

Dépenses de protection sociale en Belgique : un niveau similaire au niveau pré-covid en 2022, mais une reprise à la hausse estimée en 2023

En 2022, les dépenses totales de protection sociale en Belgique, à prix courants, s’élevaient à environ 160,9 milliards d’euros, soit 29,0% du PIB. L’augmentation annuelle des dépenses totales en 2022 (+5,6%) est relativement élevée par rapport aux années précédentes (entre 1 et 4% par an, sauf en 2020), en grande partie à cause de l'inflation. Les dépenses totales de protection sociale sont composées des dépenses de prestations sociales ainsi que des dépenses de fonctionnement et d’autres dépenses. Dans ce qui suit, nous nous concentrons uniquement sur les dépenses de prestations sociales. Principalement parce que les estimations précoces ne couvrent que ce type de dépenses, mais aussi parce qu'elles représentent la majeure partie des dépenses totales[4].

Pour contrôler l’impact de la fluctuation des prix et de l’inflation, les dépenses de prestations sociales sont présentées dans le graphique 1 à prix constants, qui donnent une indication de la croissance réelle. La croissance annuelle des dépenses de prestations sociales entre 2021 et 2022, à prix constants, était d’environ -4,5% ; ce chiffre indique donc un taux de croissance annuel négatif, lié à l’arrêt de la plupart des mesures prises lors de la crise sanitaire COVID-19. Il semble que les dépenses en 2022 se rapprochent à nouveau du niveau pré-covid ; la croissance des dépenses de prestations sociales entre 2019 et 2022 était de 2,5%. Le pourcentage en termes de PIB en 2022 (27,6%) confirme cette tendance. En effet, celui-ci tend à se rapprocher du niveau pré-covid (27,3% en 2019).

Le graphique 1 montre également une estimation provisoire des dépenses de prestations sociales en 2023. On constate que celles-ci sont plus élevées par rapport à celles de 2022. Si on compare les dépenses (estimées) pour 2023 avec celles de 2019, on constate qu’elles sont nettement plus élevées (avec une croissance de 8,5%).

Les dépenses peuvent également être ventilées par fonction. Le graphique 2 montre l'évolution de la part des différentes fonctions, représentée dans le total des prestations sociales4 pour la période de 2019 à 2023. 

En 2022, la majeure partie des dépenses est dédiée à la fonction « Vieillesse » et sa part relative a augmenté. Nous constatons que l’évolution des dépenses liées à cette fonction semble se poursuivre, à nouveau ; le niveau de 2022 dépassant celui de 2019[5], ce qui s’explique par les effets continus du vieillissement de la population. Nous observons également que la part des dépenses liées à la fonction « Chômage » continue de diminuer ; le niveau de 2022 étant inférieur à celui de 2019 suite à une diminution du nombre de chômeurs. Nous remarquons aussi une légère augmentation de la part des dépenses pour la fonction « Invalidité »[6].

Les estimations précoces nous donnent une indication de l'évolution attendue en 2023. Il semblerait que la part des dépenses pour la fonction « Vieillesse » augmente à nouveau, ainsi que celle pour la fonction « Invalidité » et que la part des dépenses pour la fonction « Chômage » continue de diminuer.

Recettes de protection sociale en Belgique : les contributions publiques continuent à représenter la majeure partie

SESPROS fournit également une estimation des recettes de protection sociale. En 2022, le total de ces recettes s’élevait à 165,3 milliards d'euros, soit 29,8% du PIB.

Les recettes de protection sociale, illustrées dans le graphique 3, peuvent à leur tour être décomposées par type de recette. En 2022, les contributions publiques représentent la majeure partie des revenus de protection sociale, avec un pourcentage de 41,2%. Les cotisations des employeurs constituent également une partie importante des revenus, avec 37,8%. La part des cotisations sociales à charge des personnes protégées et des autres recettes est plus faible, avec respectivement 18,9% et 2,1%. 

Lorsque nous comparons les pourcentages de 2022 à ceux des années précédentes, nous constatons une légère baisse des contributions publiques et une légère augmentation des cotisations sociales à charge des employeurs, en parts relatives. La baisse des contributions publiques s’explique par le fait qu’elles avaient fortement augmenté durant la période de la crise sanitaire COVID-19 pour financer les dépenses liées aux mesures corona. En effet, celles-ci ont été entièrement financées et compensées par des dépenses publiques. En 2022, nous observons un niveau qui tend à se rapprocher de celui de 2019, ce qui peut s’expliquer par le fait que les mesures corona ne sont plus d’actualité. Le niveau de 2022 reste toutefois supérieur à celui de 2019, étant donné que les mesures liées à la réduction des cotisations (sur le travail) et le « tax shift »[7] dans les régimes de sécurité sociale continuent de produire leur effet.

Nous enregistrons, pour la quatrième année consécutive, un niveau des contributions publiques supérieur à celui des contributions sociales à charge des employeurs. Cependant, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur cette tendance : nous devons attendre les données des années supplémentaires. Étant donné que les estimations précoces se concentrent uniquement sur les dépenses, nous ne pouvons fournir d’analyse pour le moment sur l’évolution des recettes en 2023.

Dépenses de protection sociale dans une perspective internationale : en Belgique, les dépenses sont supérieures à la moyenne de l’UE

Nous pouvons également examiner les dépenses de protection sociale dans une perspective internationale, car tous les États membres de l’Union européenne sont tenus de fournir des données sur leurs systèmes de protection sociale selon les définitions de SESPROS à Eurostat[8]. Nous nous concentrons sur les dépenses pour les prestations sociales, car elles représentent la plus grande part des dépenses de protection sociale et les estimations précoces pour 2023 ne concernent que cela. Le graphique 4 illustre cela pour la Belgique, nos principaux voisins et la moyenne des 27 États membres de l’UE, exprimées en pourcentage du PIB. 

Alors qu’en 2020, tous les pays ont connu une évolution similaire à la hausse des dépenses de prestations sociales en pourcentage du PIB, en 2021 ainsi qu’en 2022, nous constatons une évolution similaire à la baisse dans tous les pays. Cependant, pour la Belgique, il s’agit d’une diminution atténuée. Les niveaux de dépenses de prestations sociales en pourcentage de PIB tendent vers ceux de 2019, pour la Belgique, la France, l’Allemagne et la moyenne des 27 États membres de l’UE tandis qu’ils sont inférieurs pour les Pays-Bas. Nous pouvons donc supposer que la crise sanitaire COVID-19 a provoqué, tant pour la Belgique que ses pays limitrophes, un choc ponctuel plutôt qu’un choc structurel du niveau des dépenses de prestations sociales.

Bien que les dépenses en pourcentage du PIB aient diminué en 2022 pour tous les pays analysés ici ainsi que pour la moyenne des 27 États membres de l’UE, les estimations précoces pour 2023 suggèrent que les dépenses en pourcentage du PIB vont à nouveau augmenter pour la Belgique et les Pays-Bas et vont rester constantes pour l’Allemagne et la moyenne des 27 États membres de l’UE, tandis qu’elles devraient diminuer en France.

Comme les années précédentes, en 2023, les dépenses en Belgique sont estimées inférieures à celles de la France et supérieures à celles des Pays-Bas, tandis que pour la première fois, les dépenses en Belgique s’éloignent de celles de la moyenne de l’Europe des 27 et se rapprochent fortement de celles de l’Allemagne. Il semble également que les dépenses en Belgique augmentent plus fortement que dans les pays pour lesquelles une augmentation est estimée. Toutefois, comme il s'agit d'estimations provisoires pour 2023, ces résultats doivent être interprétés avec prudence.

Le SPF Sécurité sociale publie chaque année une brochure d’information plus détaillée sur les données SESPROS. Cette brochure propose des analyses détaillées ainsi qu’une comparaison approfondie avec les autres États membres de l’UE. La dernière version de cette brochure est basée sur les chiffres de 2021 (pour la Belgique) et 2020 (pour la comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne). Vous pouvez la trouver dans notre rubrique « Publications statistiques ». Une nouvelle version, basée sur les chiffres de 2022 et les « early estimates » de 2023, est actuellement en préparation. 

 

[1] En anglais également connu sous le nom de ‘European System of integrated Social PROtection Statistics’ ou ESSPROS.

[2] Le texte légal s’y rapportant peut être consulté ici.

[3] L’Allemagne, la France et les Pays-Bas.

[4] L’édition 2023 du « Focus sur les chiffres » offre un aperçu de l’évolution des différents types de dépenses de protection sociale au cours du temps.

[5] La diminution de la part relative de la fonction « Vieillesse » pendant la période 2020-2021 peut provenir de l’augmentation de la part relative de la fonction « chômage » ces mêmes années. En effet, durant la période de la crise sanitaire COVID-19, la part relative dépenses liées à la fonction « Chômage » a augmenté suite à l’augmentation du nombre de bénéficiaires des mesures liées au chômage temporaire.

[6] Plusieurs explications potentielles peuvent expliquer cette augmentation : le vieillissement de la population active, les réformes en matière de sécurité sociale (par exemple, le contrôle de la recherche d’emploi), etc. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer lesquelles sont les plus décisives.

[7] « Le tax shift vise, d’une part, à soutenir l’emploi par le moyen d’une baisse des prélèvements sur le travail et d’un soutien aux petites et moyennes entreprises et aux indépendants et, d’autre part, à accroître le pouvoir d’achat des ménages » (Simar, L., 2016).

Simar, L. (2016). Le « tax shift » ou glissement fiscal.Courrier hebdomadaire du CRISP, 2016/34 n° 2319-2320. https://www.crisp.be/librairie/catalogue/1931-tax-shift-glissement-fisca...

[8] Tous les États membres de l’Union européenne sont tenus de compiler les statistiques SESPROS et de les fournir à Eurostat. Cependant, les « early estimates » sont fournies sur base volontaire. Tous les états membres ne les fournissent pas.